LESION ETRANGE s/t (STNT 007) OUT NOW !!!

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PRESSE :
[DCALC]
https://www.dcalc.fr/lesion-etrange-s-t/
Deux titres seulement. Un sur chaque face. Lésion Étrange nous présentent d’emblée leur Alpha et leur Omega alors qu’il ne s’agit que d’un premier album. Sans titre. Sans doute une façon de dire que ce groupe et sa musique, ce n’est rien de plus et rien de moins que ce que l’on entend ici. Et c’est vrai qu’il est difficile de faire plus complet : quand on tient l’objet dans ses mains, quelque part, on tient tout Lésion Étrange (en tout cas, ce qu’ils tiennent à communiquer).
Ajoutons quand même qu’il s’agit d’un duo formé de A. et J., que ces initiales renvoient à Alex et Jo et qu’on les connait déjà. Le premier frotte ou a frotté sa guitare chez Torticoli, Tombouctou ou Schleu (liste non exhaustive), le second martèle ou a martelé le temps chez Neige Morte ou Schleu (liste non exhaustive) mais ça n’apporte pas grand chose, tous ces groupes étant somme toute, musicalement, pas mal éloignés (bien que leur épicentre gravite autour de Lyon). C’est « recorded & mixed by Raphaël Aboulker » de Boucan, qui est aussi un duo, qui compte également une guitare et une batterie. Avant même d’avoir lancer l’écoute, même si on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre, on a tout de même quelques indications : ça risque d’être bruitiste, brisé et métamorphe. Et quelque part, ça l’est. Mais c’est aussi élégant et cinématographique, solaire et flippant, coléreux et apaisé, rectiligne et courbé (liste non exhaustive). Alpha et Omega sont aussi identiques qu’ils sont différents.
Du côté des points communs, le premier, c’est que bien que je connaisse pas mal (enfin, tout est relatif, hein mais pas mal de leurs disques habitent incontestablement mes étagères) les groupes et les musiques de ces deux-là, eh bien ici, c’est encore différent. Ça ne renvoie pas particulièrement à quelque chose qu’ils font ou ont déjà fait et j’aurais pourtant bien aimé écrire un truc du style « c’est du Tombouctou sans voix » ou du « Schleu sans grind » mais non. C’est du Lésion Étrange et c’est donc sans grind ni voix. Ensuite, chaque morceau montre une grande altérité. C’est rectiligne mais ça mute beaucoup, si bien qu’une fois qu’on a un peu compris ce qu’il se passe, on s’attend à de l’inattendu et de ce côté là, on n’est vraiment pas déçu. Enfin, même s’il ne s’agit aucunement d’une démonstration technique, ce qui frappe, c’est la totale maîtrise. C’est instinctif mais ça ne peut l’être de cette façon que parce que A. semble avoir des cordes et J. des baguettes à la place des doigts et chacun, un métronome dans la tête.
Du côté des différences, je vais être prudent mais il me semble toutefois qu’Alpha est aussi cinématographique qu’Omega est déstructuré. Pourtant, on pourrait sans nul doute écrire l’inverse mais disons qu’un désert de sable à la Dune (entre autres, ça pourrait être aussi l’espace intersidéral) envahit la boîte crânienne à moment donné quand on écoute le premier alors qu’une ligne brisée abstraite se dessine derrière les yeux quand résonne le second. Ce ne sont bien sûr que des impressions : les motifs se succèdent, se répètent parfois mais pas tout le temps, et il est difficile de ne pas être frappé par la multitude de styles qu’endosse le duo tout en habitant complètement chacun d’eux au moment où il résonne. Quand c’est du jazz, c’est vraiment du jazz, quand c’est de la noise, c’est vraiment de la noise, quand c’est du drone, c’est complètement du drone et ainsi de suite sans qu’on ne décèle de cassures nettes signalant le passage de l’un à l’autre. On se retrouve ainsi avec un éventail assez large allant de la grosse freeture à certains trucs en post en passant par quelques bribes de country (liste non exhaustive) et pourtant, on ne perd jamais le fil (à moins qu’on ne l’ait jamais trouvé en fait), chaque nouveau motif sonnant comme une évidence. C’est tout à tour élégiaque et stressé, ténu et luxuriant, tranquille et sauvage et on reste pris tout du long.
Une dernière chose : à plusieurs moments, c’est vraiment très beau et l’épiderme se trouve parcouru d’un subtil frisson électrique. C’est vrai qu’on n’est pas dans la tête du duo mais Lésion Étrange communique aisément et sans un mot ce qu’il ressent quand il le joue. Et on est un peu comme l’enfant de la pochette, tranquille et apaisé, en total accord avec celui qui le porte, à essayer d’écouter ce qui prend forme à l’intérieur de lui, comme si chacun s’appuyait in fine sur l’autre. Une photographie dont on ne sait rien mais qui s’avère, comme souvent, au diapason du disque à bien y regarder et de ce qu’il provoque. Une lésion autant qu’une liaison en tout cas, étrange peut-être mais belle surtout.
[MUZZART]
Chez Lésion Etrange on déniche Joe et Alex, passés par diverses formations dérangées et chez Muzzart honorées (Schleu, Saddam webcam, Tombouctou, Neige morte…), unis à la cause de l’expérimentation poussée. Ce deux (longs) titres éponyme est leur premier LP, on s’y transe dans les empilements et répétitions à la crue quasiment permanente. ALPHA, d’abord, m’évoque les déraillements d’un Sonic Youth. Ou Oiseaux-Tempête, c’est selon. Sur plus de vingt-trois minutes il laisse déborder sa lave, pose un break psyché, filtre des motifs rythmiques qu’un arrière-plan céleste bien grisé souligne. Puis le fracas reprend, martelé par le drumming, lacéré par les guitares. Le terme est tout bonnement déjanté.
Immersif, le morceau capture la grise matière. Passé cette première dégelée se profile OMEGA, dont les loopings de départ entre noisy, shoegaze et psychédélisme perché assurent leur effet. Le bruit se produit, Expressway to your skull baby! De lancinances en torrents sonores, Lésion Etrange barbouille l’azur. Là aussi l’embardée retombe, faisant émerger une beauté presque pure, non souillée. Celle-ci, finalement prolongée, termine une pièce singulière, inclassable et exigeante, que les écoutilles exercées attraperont très certainement avant celles qui vierges de toute audace, iront quêter chez les creux et sages dont Lésion Etrange, à coup sûr, n’est pas.
[ADA]
https://adecouvrirabsolument.com/spip.php?article9904
On le sait depuis longtemps, la scène noise bruitiste lyonnaise est super riche, et ce n’est pas le premier album de Lésion Étrange, enregistré et mixé par Raphaël Aboulker (moitié du duo Boucan), puis mastérisé par Nick Zampiello (Converge, Trap Them), qui nous fera mentir : passés par des formations locales telles que Torticoli, Tombouctou, Schleu et Neige Morte, Alex (le guitariste) et Jo (le batteur) nous offrent un disque épique, composé de deux longues plages instrumentales bâties sur un glissement – de terrain comme de registres – permanent. Il en va ainsi d’Alpha, qui s’ouvre sur un orgue en suspension, avant de glisser dans un tunnel post-rock shoegaze porté par une rythmique quasi arythmique (néanmoins hypnotique), nimbé de cette distorsion diffuse caractéristique du black metal, la guitare sonne comme un violon, mélancolie drone avant un virage bruitiste ondoyant, le beat se frontalise, puis c’est le silence, ou presque : Lésion Étrange raconte une histoire que je ne dévoilerai pas, du moins pas en entier. En effet, Alpha et Omega – valse math rock zébrée de dissonances – sont des récits que le duo tisse, sculpte et brusque, quarante minutes durant, avec une remarquable viscéralité : si Lésion Étrange parfois passe nos tympans au papier de verre (et on adore ça !), n’ayez crainte, la démangeaison sera avant tout émotionnelle.