JACASZEK Catalogue des Arbres / Gardiena / Idylla (Touch 2014 / 2024 / 2025)



Depuis son génial 'glimmer' de 2012, Michal Jacaszek a bougé les pions sur le grand échiquier du field recording.
En 2014, il a lancé une trilogie chez Touch dédié à la nature. J'ai été embarqué par le nom très poétique du premier disque de la série. Excusez du peu : 'catalogue des arbres' (Touch TO:94). Bruissements, vents, gouttes, un piano sombre trafiqué façon synthé en arrière plan où des bribes d'électroniques viennent accompagner et s'immiscer dans la danse éternelle du son des arbres. Pause toi, imagine, on se laisse aller à la poésie justement. Un instant dans le temps et un regard de drone attendri par tant de simplicité.
Pas évident de rendre encore plus belle la nature avec autant de technologie.
Le deuxième disque est une ode à MESSIAEN et son fameux 'Catalogue des Oiseaux' enregistré en Afrique du Sud dans la province du 'gardiena' qui a donné son nom à l'album. Les enregistrements d'insectes, d'oiseaux, de grenouilles (etc... ) sont issus d'une résidence organisée par Francisco López en 2019. J'ai pensé ici aux travaux du poitevin Thomas TILLY lorsqu'il s'aventure en pleine jungle guyanaise surtout dans ces passages de grouillements et de grésillements d'insectes.
JACASZEK crée un disque de stridences aux tons noirs voulant pointer la disparition des oiseaux, acte militant et surtout acte de création profonde où des voix lointaines viennent réveiller les vivants. Un disque qui frise les oreilles, celles qui entendent précisément les soubresauts même sous acouphènes d'animaux imaginaires morts désarticulés à cause d'une activité humaine nuisible et délétère.
L'homme est un loup pour l'homme, c'est animal...
'Idylla' sonne comme un requiem. La mort est actée, il faut célébrer la vie. Il n'est jamais trop tard. La stridence et la violence latente des précédents disques laissent place à l'espace du souvenir. Les drones sont plus présents, les silences aussi, le rythme s'absente, le recueillement en ligne de mire. Il y a un souffle que j'aime dans ce disque, des voix s'entremêlent encore, des stridences aussi mais petit à petit le silence gagne du terrain, les notes de piano aiguës un peu étouffées et présentes sur tous les disques reviennent poser la vie. Enfin surtout la mort et la nostalgie en fait.
Les notes graves s'étalent maintenant plus tranquillement, plus distinctement, le rythme s'apaise, les voix étranges s'estompent, les nappes s'échappent et le temps s'allonge puis passe dans un profond dernier souffle, le piano s'éteint et puis se tait.
JACASZEK signe une trilogie noire et passionnante dans l'espace électronique et expérimental.