Shannon Wright Bocage avril 2004 Le Confort Moderne, poitiers

Souvent, on aimerait bien avoir les gesticules (ou les ovaires, on est dans un zine non machiste) suffisamment amarrées pour dire à l’artiste (avec un grand H) ce qu’on a réellement pensé de son concert, au-delà du pathétique « thanx for the show » susurré d’une demi-lèvre tremblante ou du « sympa, j’ai bien aimé » à bannir – selon moi- du vocabulaire backstagien ou post-concert-au-comptoir. Je ne parle pas de quand on on n’a pas aimé un concert, là c’est facile, soit on ne dit rien, soit on lâche tout sans retenue, ce qui peut provoquer une légère demi-moll certaines fois… Mais, cette première chronique se réfère à la première situation, suite à ce bout de phrase maladroit que j’ai adressé à la demoiselle Shannon à l’issue de son concert au Confort, alors qu’elle était en train de checker ses mails dans les bureaux (ouais, je suis un privilégié, j’ai un all-access-vip-pass-gold-member solidement accroché en sautoir d’un cordon vivendi et j’t’emmerde). Donc dire enfin tout le bien qu’on pense de cette demoiselle et de cette drôle d’impression de déjà-pas-vu. Je m’explique. N’étant pas assez né à la musique suffisamment tôt pour voir Polly Jean Harvey sur scène à la bonne période (/Dry/ et /Rid Of Me/), j’en ai toujours ressenti une frustration tenace. Et là, je me dis que j’ai enfin pu vivre, en partie et rétrospectivement, ce moment tant attendu, ce mélange de grâce et de sueur. C’est, il est vrai, un peu facile d’assimiler ces deux chanteuses (on retrouve un peu le physique, beaucoup le timbre de voix et les modulations) et j’arrêterai donc là le parallèle, un peu d’exigence, va chercher d’autres références bordel… Pour un – désormais - vieux rockeux à tendance poppy, difficile de ne pas tomber dans le panneau de la formule guitare + voix + batterie sèche + son sec et organique = bravo je signe. Merde, c’est déjà fait. Par les – désormais – vieux rockeux à tendance poppy quand même de Vicious Circle. Damned. C’est donc une musique plus dépouillée que sur album qu’elle propose sur scène, avec la seule aide d’une batteuse pas lumineuse mais franchement efficace. Elle mélange les morceaux à la guitare et les pièces au piano électrique, dans une veine Rachel’s sans les violons, c-est-à-dire simple et touchant. Shannon est habitée, de ses mélodies en picking, de ses voix qui se développent bouche crispée ou béante, de ses riffs pas distordus mais violents, bref elle est investie dans sa musique. Réellement présente sur scène quand elle va par exemple chercher l’affrontement avec son seul ami, son ampli, Shannon m’a plongé quelques minutes dans un monde fort et symbolique, celui d’une culture urbaine qui ne négligerait pas la contemplation, d’une intelligence de l’émotion rare et personnelle (sublime morceau au piano où elle parle de son père), un monde qui dit que, si cela ne change pas fondamentalement la nature des problèmes de nos vies, il n’est pas inutile de les exprimer ou de les sublimer en musique. Ca ne coûte pas plus cher et ça fait du bien. Merci Madame. PS : j’ai pas vu Bocage suffisamment pour en dire beaucoup plus, excusez… http://www.confort-moderne.fr