BLOOD BROTHERS Crimes V2 Records - 2005
Quand j’ai acheté ce disque, le type du magasin s’est cru obligé de me dire : « Ah ouais… c’est le groupe qui se prend pour Refused… ». Qu’il ne le vende pas, si c’est pour être déplaisant avec ceux qui l’achètent. Je n’ai jamais trouvé que les Blood Brothers ressemblaient à Refused. Et quitte à me faire lyncher (si on veut jouer aux comparaisons), je dirais même que les Blood Brothers sont meilleurs et plus intéressants que Refused. Moins sérieux aussi, avec un vrai esprit ado. Les colleurs d’étiquettes aiment bien dire que c’est de l’émo. Mais comme ça ne marche plus avec ce disque, ça doit expliquer qu’il ne soit pas très apprécié. L’album s’ouvre sur deux titres bien énervés, et alterne ensuite entre titres assez pop et plans plus émos (enfin, c’est très vite dit…), ou disons plutôt, plus brutaux. Cette alternance permet des relances particulièrement efficaces (par exemple « Apocalypse Cabaret »), et au sein même des morceaux, un grand nombre de breaks accentue encore cet effet très vivant, très organique. L’enchaînement est béton : c’est tellement bien foutu qu’on dirait un opéra rock. D’ailleurs la qualité de cet album le place (au moins dans mon cœur) à côté du Tommy des Who. La couleur générale est d’une richesse hallucinante ; après trente écoutes, je découvre encore des tonnes d’arrangements : ça passe par des nappes de claviers, des cloches et de discrètes parties de piano, par des infrabasses qui doublent les grosses caisses sur les passages les plus lents, par une production et un mixage terribles. Mais j’en oublies le plus important : les mélodies. Tous ces morceaux sont des hits, et tous jouent sur des feelings différents : on passe de titres énervés (et enthousiasmants) à des titres mélancoliques (« Crimes » par exemple). Le travail des voix mériterait des heures de développement : ça va jusqu’à quelques chœurs à la Supertramp sur « Love rhymes… ». En gros ça alterne entre cris et voix claires féminines (plutôt punk). Sauf qu’il n’y a pas une seule nana dans les Blood Brothers : la chanteuse s-appelle Johnny Whitney. Oui, un mec qui chante comme une nana. Et ça tue ! La gageure des Blood Brothers, c’était de faire une musique agressive, mais sans testostérone. Eh bien pari réussi. Les textes sont à l’image de la musique, particulièrement intéressants (et d’une longueur… comment font-ils sur scène pour ne pas se planter ?), tour à tour nostalgiques, drôles, etc. Je citerai juste cette phrase (qui s’adresse à un des membres de Metallica je suppose – « the fith horseman of apocalypse »), extraite du refrain de « Teen heat » : -your song is gold like the color of piss- Bon, après, il paraît que le jeu de batterie a été simplifié (par rapport aux précédents opus) pour la scène. Et à ce que j’ai pu voir en vidéo sur leur site, en live ils sont loin d’être à la hauteur de ce qu’ils ont fait sur cet album génial… Qu’importe. Ce disque est incatalogable, c’est la chose la plus fraîche que j’ai entendue ces dernières années. À écouter en boucle, tout simplement. http://www.thebloodbrothers.com