HEADCLEANER Head of the next one Big Deal Records 1994
Il ne reste quasiment plus aucune trace, tant discographique que sur le net, de ce trio anglais sensationnel. Tout juste peut-on se procurer ce disque sur quelque obscure boutique de vpc. C’est une honte, car cet album, outre le fait qu’il synthétise parfaitement plusieurs courants musicaux en vogue à l’époque, est certainement l’un des meilleurs parus dans les années 90 en matière de noise, parallèlement à la déferlante française d’alors. Et plutôt que d’être oublié de cette façon, HEADCLEANER aurait largement mérité une réédition, tant de cet album que d’un travail comme Au fou, entre autres exemples de disques d’une perfection absolue. De plus, ces anglais, ingénieux et talentueux au possible, ont su créer un univers personnel, à part, empruntant des éléments à divers courants et les réutilisant pour en faire…du HEADCLEANER. Ainsi, on retrouve sur cet effort des bribes post-punk, du rock épileptique à la AT THE DRIVE-IN ou à la FUGAZI, des ambiances post-hardcore répétitives et hypnotiques à la HELMET, le tout agrémenté de cassures de rythme toujours dans le ton (Intastella qui débute l’album). Et au final, le produit qui en résulte n’a plus rien à voir avec les groupes précités et se montre inattaquable d’un point de vue « catégorisation ». J’ajouterai cependant que des groupes hexagonaux tels que CONDENSE ou SLEEPPERS pourraient éventuellement se retrouver dans la musique de ce groupe atypique, mais en aucun cas, l’un d’entre eux ne pourrait crier au plagiat tant les Anglais ont trouvé là leur propre voie, et sont allés jusqu’au bout de leur propre démarche. Dès lors, on se réjouit de ces petites bombes précieuses que sont Lia, saccadé et jouant lui aussi sur la diversité des ambiances,ou Crowbait aux guitares massives puis distordues comme lors d’un solo de Page Hamilton, la basse amenant un surplus de groove à ces compos déjà énormes. Sur Petra, on a droit à un rythme fonceur sur fond de guitares assassines, avant que la basse ne « breake » le tout, ce rythme appuyé reprenant ensuite ses droits pour conclure un morceau lui aussi parfait. La suite nous offre des morceaux d’égal niveau, partant d’un Greyhound au riff venu d’ailleurs pour arriver à Sazny, instru noisy à l’atmosphère singulière. Le tout en passant par des chansons comme 27 A.M., long de plus de sept minutes, bondissant et animé par un riff aussi acéré que celui de Greyhound, qui nous offre son lot de brisures de scansion et de sonorités de six-cordes nerveuses et déjantées. Ou Gazelle sec et vigoureux, Twot presque funky de par son riff et qui fait éclater la magie et la maîtrise instrumentale du trio. Puis Jean-Claude, plus lourd, puissant et massif, Bike qui alterne avec bonheur les climats, cette capacité à varier au sein d’un seul et même titre rappelant les géniaux SONIC YOUTH. Ce que confirme No lookin’, trépidant et plein de folie, qu’AT THE DRIVE-IN aurait été loin de renier et qui se termine en festival de sons de guitare, et conclut ce festival d’album. Indispensable, sauvage et maîtrisé, et avant tout inclassable. HEADCLEANER frappe un grand, un très grand coup sur ce disque qui, je l’espère, reverra le jour dans quelques temps. Le contraire serait incompréhensible.