IHAN Iota Mille Plateaux - 2000
Rares sont les artistes français à avoir eu la chance d’être reconnus par de grands labels, « cultes » je veux dire. Ihan est de ceux-là. Mais malheureusement sa discographie est plutôt sommaire. Cet album, un titre sur une compilation Clicks + Cuts (tout de même aux côtés de Pansonic, Alva Noto, Pole, Goem et Kid 606), un titre (excellent) sur le premier volume du Noise Research Program, et… c’est tout. Comment situer cet album ? On ne serait pas loin de Pansonic et Alva Noto, ou encore de Plastikman. À ceci près que l’imaginaire est ici primordial, qu’il est la troisième dimension de Iota. Pourtant ce n’est ni grâce aux titres (tous les morceaux s’appellent « Sans Titre »), ni grâce à la pochette (minimaliste au possible). En fait, ce disque dénote un peu sur Mille Plateaux par son côté poétique, parce qu’il conduit inévitablement à des rêveries. Et s’il s’inscrit tout de même dans la veine minimaliste (quelques nappes, quelques larsens numériques à la limite de l’ultrason, des rythmes de bruits, pas mal de « clicks » et de « cricks » évidemment, mais aussi des infrabasses, et beaucoup de silences, au moins dans l’effet), il en exploite judicieusement les ressources. Et sait les conjuguer à d’autres approches comme celle de la musique concrète (façon Pierre Henry ou Luciano Berio), en utilisant par exemple quelques samples d’instruments à cordes et de piano, ce qui donne un côté plus expérimental. Et surtout, les sons sont spacialisés (chose rare, peu recherchée dans ce style), à travers l’utilisation de réverbérations variées, à travers un mixage fin qui stratifie, hiérarchise à merveille les divers éléments : si bien qu’on est quelque part. Oui, cet album est un petit voyage. Parce qu’il ne évite le côté monoémotionnel qui tend à être un poncif du genre, et qu’il n’est jamais rugueux comme l’est le Pansonic première époque. On passe d’ambiances inquiétantes (le premier Sans Titre par exemple) à des ambiances plus légères, voire second degré (certains rythmes sonnent de façon particulièrement naïve – écoutez le Sans Titre ##10), avec un détour par la banquise (la longue nappe style synthé Juno Roland du sixième titre, sans titre évidemment), et même quelques immersions vingt mille lieues sous les mers grâce à des sons aquatiques. Bref un album d’electronica très soigné, intéressant, et une fois n’est pas coutume, original et particulièrement accrocheur. Qu’il n’est pas trop tard de découvrir. http://www.raistreubel.com